En France, la violence intrafamiliale à l’encontre des enfants est massive, et les trois quarts des maltraitances ont lieu dans un contexte de punitions corporelles. Oumar et Yanis n’ont pas eu la chance d’être protégés de la violence de leur beau-père, ils en sont morts. Ils font partie de ces « oubliés » dont parle la pédiatre Anne Tursz et pourront être comptabilisés parmi les centaines d’enfants ou d’adolescents qui meurent chaque année en France sous les coups de leurs proches.
LA VIOLENCE EDUCATIVE ORDINAIRE
Dans cette phrase le mot le plus important est ordinaire. Alice Miller , auteur chère à mon cœur, dénonce depuis des années la nocivité des châtiments corporels répandus. Elle insiste sur la prévention et l’information qui devrait être faite à tous les parents. Etre parent cela ne s’apprend pas sur les bancs de l’école. Etre ce que les psy appelent un « bon » ou un « mauvais parent » fait référence à la manière éducative dont le parent va poser ou non ses actes auprès de l’enfant. Il n’et pas ici question de critiquer les parents, mais de les amener à prendre conscience que, le plus souvent, et même si la plupart font de leur mieux, cela va à l’encontre du bon développement émotionnel, cognitif et psychique de l’enfant.
Pourquoi en est-il ainsi ?
Les violences éducatives subies dans l’enfance constituent un ensemble de traumatismes irrémédiablement inscrits dans les neurones et quand bien même vous pouvez penser avoir eu une enfance avec des parents qui vous aiment. Bien qu’après plusieurs décennies de pratique , je ne le devrais pas, je suis toujours surprise de voir combien les adultes qui me consultent pour un symptôme particulier ou un mal être diffus méconnaissent qu’ils ont été souvent des enfants ayant subi de la maltraitance. Du point de vue sociétal les violences éducatives ne sont presque jamais explorées par la plupart des auteurs et chercheurs francophones dans le domaine de la violence.
Olivier Maurel professeur de lettres et auteur du livre « La fessée » essaie de montrer que c’est justement la conséquence de cette violence précoce subi dans l’enfance qui nous empêche de voir le lien avec la violence de l’âge adulte.
AU NOM DE L’AMOUR
L’amour que nous croyons porter à nos enfants au nom de la bonne éducation et du principe de mettre des limites n’est pas nécessairement de l’amour. La majorité des gens qui frappent leurs enfants croient le faire parce qu’ils aiment leurs enfants, pour leur bien. Il a fallu quatre ou cinq siècles à partir des premières grandes protestations d’intellectuels comme Erasme, Rabelais, Montaigne, pour qu’on passe du stade où on trouvait normal de donner aux enfants des coups de bâton, de fouet et d’autres instruments contondants, au stade où la gifle et la fessée sont devenues admissibles et sont devenues la norme. Ce n’est pas cela l’amour. On n’a vraiment plus le temps d’attendre encore quelques siècles pour que la majorité des gens aient compris que même les gifles et fessées ont des effets très nocifs. Des siècles de violence éducative ont perverti dans la tête de la majorité des gens la notion d’amour.
Je vous invite à lire le très bon ouvrage d’Alice Miller « c’est pour ton bien ». Trop d’humains croient que la violence est compatible avec l’amour, comme on l’a cru longtemps pour l’amour conjugal (et comme beaucoup le croient encore). Et aussi du même auteur : abattre le mur du silence, l’enfant sous terreur, la connaissance interdite. Alice Miller est décédée le 14 avril 2010, à l’âge de 87 ans. L’apport de son œuvre à ses lecteurs ainsi qu’à la cause des enfants et de l’humanité est incommensurable.
OBSERVATOIRE
l’OVEO (observatoire de la violence éducative ordinaire) fondé en 2005 a pour but de dénoncer toutes les formes de violences contenues dans l’éducation à l’école, dans les familles, ou dans les institutions au sein desquelles des enfants sont pris en charge. Vous pouvez approfondir la question et aller sur le site www.oveo.org pour avoir accès au questionnaire sur la violence
TUES DANS UN BUT EDUCATIF
source – ovéo – écrit par Jean-Pierre Thielland « A peine quelques semaines après cet échec, un adolescent de 15 ans et un enfant de 5 ans viennent de perdre la vie, victimes de « punitions » infligées par leur beau-père.
Le journal Le Parisien relate que le beau-père de l’adolescent aurait expliqué qu’il avait voulu lui infliger une « correction » parce que celui-ci « n’allait plus à l’école ». Il n’aurait pas mesuré la violence des coups, qui avaient pour lui une « visée éducative ».
La Voix du Nord rapporte que l’enfant de 5 ans aurait, lui, subi une punition infligée par son beau-père parce qu’il avait fait pipi au lit. Il aurait été retrouvé avec le nez cassé, ainsi qu’un traumatisme au niveau de la tête. »
Tout est dit : l’exacte et triste réalité d’une toute-puissance parentale qui ne rencontre aucun interdit dans un pays qui légitime le « droit de correction » et ferme les yeux sur la violence dite éducative.Il faut donc un détour par la loi qui recadre la réalité. Lacordaire faisait état des rapports du fort au faible : « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit » . L’amour oppressif n’est pas de l’amour inconditionnel. Combien de morts faudra-t-il avant que nos responsables politiques, ainsi que tous ceux qui prétendent aux responsabilités dans notre pays, prennent l’initiative de légiférer sans ambiguïté contre cet insupportable « droit de correction » et toute forme de violence éducative, y compris dans la famille ?
AIDER LES PARENTS
A priori aucun parent ne vient consulter généralement en se posant la question de savoir si l’éducation qu’il donne à son enfant est cohérente, juste, bienveillante. On me demande une consultation lorsque le comportement d’un enfant est en jeu avec des symptômes comme des difficultés de comportement ou des problèmes scolaires, on. De manière tout à fait exceptionnelle et souvent après plusieurs séances , un parent me dira de façon tout à fait anecdotique ou détachée « je ne supporte pas mon fils ou ma fille» . Lorsque je « traite » un enfant si l’origine du symptôme est un traumatisme unique qui ne concerne pas le système éducatif familial, selon l’âge de l’enfant la durée va être de trois à 5 séances.
La pratique Team©préconise d’ajuster la démarche d’accompagnement à la personne plutôt que de faire entrer la personne dans le cadre théorique du thérapeute.
Il m’arrive parfois des cas très difficiles et très délicat. D’ailleurs j’ose vous dire que pendant de très nombreuses années de pratique j’ai renoncé à travailler avec des enfants parce que trop souvent l’enfant est porteur d’un symptôme lié à une configuration familiale perturbée, souffrante, voire violente. Je veux dire par là que ce sont les parents ou plus particulièrement l’un d’eux qui devrait être en thérapie et pas nécessairement l’enfant.
C’est le cas de Paul un garçon âgé de 10 ans, plutôt très éveillé qui s’exprime d’une manière très recherchée et très riche en vocabulaire, ce qui témoigne d’être très en avance pour son âge. Dans le travail Paul est très adapté, et je ne l’entends jamais exprimer la moindre émotion (ce qui n’est pas tout à fait normal pour un enfant de son âge) et je ne l’entends jamais émettre la moindre critique sur ses parents, selon ses mots «ils l’aiment et même se sacrifient pour moi ». Ce qui analyse qu’il y a beaucoup de culpabilité chez Paul. Je suppute de la violence familiale du côté du père, mais malgré toutes mes ruses thérapeutiques pour en savoir plus rien ne sort. J’attends…
Paul me disait que son père était adorable , et il enchaîne « un jour je ne sais pas pourquoi, papa a voulu me donner une gifle, sa main a raté ma joue, mais il a fait un trou dans la cloison et s’est cassée plusieurs os de la main. Bien sûr Paul était dans l’incapacité de percevoir la violence de son père et les parents me l’avaient envoyé parce que sa maîtresse d’école le trouvait trop peu participatif, trop anxieux et trop émotif.
A ce stade arrêtons nous une minute . Je me trouve avec un cas de conscience.
Je sais que Paul, en guérissant ses blessures émotionnelles va changer de comportement, il ne sera plus aussi adapté (à cause de son angoisse et de ses peurs inconscientes) et il est fort probable qu’en grandissant il s’opposera de plus en plus à son père. MAIS, il a seulement dix ans, il lui faudra probablement une décennie avant envisager d’être autonome. Donc comment faire en sorte que sa vie ne devienne pas un enfer pendant ce laps de temps. Le comportement du père n’est pas sécurisant, mais la violence est rarement physique, il s’agit là plus de manipulation par la dévalorisation, rien qui ne permette à la professionnelle que je suis de faire un «signalement». Dans le système familial la mère a peur du père, elle n’est pas autonome financièrement et elle n’est pas en mesure de faire face. La père n’a manifestement aucune capacité à se remettre en question et venir me voir est impossible! Au fil du temps la thérapie avec Paul se transforme par des séances avec Paul et sa maman où j’exerce une fonction psycho-éducative en présence des deux, ce qui a pour objectif de renforcer le lien entre la mère et l’enfant et réciproquement , de leur donner des « outils » de pacification pour faire face selon les différentes situations auxquels ils sont confrontés de façon à ne pas se mettre en danger, ni aller dans la provocation, le temps pour la mère de poser les acte nécessaires dans son couple. Il et parfois dramatique de constater que le ou les parents ne peuvent entendre les conseils ou les alertes que j’indique et là….malheureusement car lorsque j’identifie que le milieu familial peut s’avérer toxique pour l’enfant, et que les parents n’ont pas la capacité de remettre en cause quoique ce soit dans leur vision, la démarche de suivre l’enfant doit nécessairement s’arrêter sous peine de créer encore plus de perturbations pour l’enfant qui va se trouver totalement coincé car un enfant face à des parents toxiques ou maltraitant n’a pas la conscience ni le recul suffisant pour se dire « mes parents sont mauvais », il va donc en déduire que c’est lui qui est « mauvais » , « nul », « sans valeur », « bête »….
UNE OCCASION DE PROGRESSER
Lorsque vous avez l’intention de dire une violente critique à votre enfant, ou de le punir. Demandez-vous :
- Si j’étais à sa place est-ce que j’aimerai subir, ou entendre cela ?
- En quoi ce que je suis en train de faire va t’il dans le sens du bien être et de la progression émotionnelle de mon enfant ? Si vous n’arrivez pas à répondre à cette question . Reportez à plus tard votre intention de punition
CONCLUSION
Parents, éducateurs, nous avons à renouveler nos conceptions sur cette question, avec un espoir : que la prise de conscience de la violence éducative soit le chemin d’une société plus paisible. »
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Au plaisir Carole